Jean-Marie Vidament semble avoir trouvé un trésor. Il ne s’agit pas d’un coffre rempli de pièces d’or et de bijoux mais d’une œuvre « vertigineuse » écrite par un philosophe français : Alain Juranville.

 

Peu connu du grand public, ce dernier a publié une dizaine de livres, ces vingt dernières années. « Son œuvre peut commencer à se lire depuis une thèse : la philosophie est au sujet social ce que la psychanalyse est au sujet individuel », décrit Jean-Marie Vidament.

 

« J’ai senti le besoin d’écrire un vrai livre sur lui »

À la frontière entre philosophie et psychanalyse, la pensée d’Alain Juranville n’est pas simple à comprendre. « Sa grande idée, celle qu’il a formulée dès son deuxième livre en 1984, c’est que ce que cherchent depuis toujours les philosophes, qui est au fond la relation éthique à l’autre. Elle se trouve dans ce que Freud a découvert et mis au point, c’est-à-dire dans la relation entre le psychanalyste et son patient, tente d’expliquer Jean-Marie Vidament. Alain Juranville fait le parallèle entre l’histoire individuelle du patient, qu’il reconstitue patiemment lors de la cure pour trouver enfin la paix avec lui-même, et l’Histoire universelle que l’humanité, au travers de la philosophie, reconstitue patiemment depuis des siècles pour trouver enfin la paix avec elle-même. »

 

Psychanalyste installé depuis un an à Paimpol (Côtes-d’Armor) et amoureux de la philosophie, Jean-Marie Vidament a travaillé pendant plusieurs années sur les œuvres d’Alain Juranville. Afin que tout un chacun puisse en comprendre les subtilités et l’importance, il vient de publier un livre La philosophie d’Alain Juranville. « J’ai senti le besoin d’écrire un vrai livre sur lui. Je dis bien le besoin, et pas seulement le désir, car il y a certains efforts qui, pour être supportables, demandent qu’on les considère comme nécessaires », confie l’auteur.

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C'est quoi, pour vous, la philosophie ?

Question redoutable... je dirais... qu'elle s'occupe de l'ensemble des questions qui restent, quand les sciences sont passées par là! Plus sérieusement, je crois qu'elle s'occupe des seules questions qui importent vraiment, celles qui nous travailleraient sans cesse, si nous n'étions pas à tout bout de champ distraits par les soucis quotidiens. Les enfants les connaissent déjà, ces questions : est-ce que Dieu existe ? Pourquoi la mort ? C'est quoi l'amour ? Y a-t-il un sens à la maladie ? Toutes questions qui reviennent inévitablement quand on souffre. D'ailleurs, vous avez remarqué, ce sont ces mêmes questions, que les patients se posent, sur le divan d'un psychanalyste.

Vous venez de publier un livre de philosophie ?

De philosophie, oui… et sur la psychanalyse, justement. La philosophie est ma formation initiale. Mais j’ai tout de suite eu aussi le goût pour la psychanalyse, dès mes années d’étudiant, à Rennes. Seulement, la formation est beaucoup plus longue…

Vous êtes aussi psychanalyste ?

Oui, j’ai ouvert mon cabinet il y a près d'un an, à Paimpol.

Revenons à votre livre, il parle de quoi ?

D’un grand philosophe et psychanalyste français, Alain Juranville, encore bien vivant, mais difficile d’accès. Difficile d’abord parce qu’il exige une double compétence, en philosophie et en psychanalyse. Mais surtout par l’ampleur de son œuvre, de plusieurs milliers de pages, presque démesurée. Pourtant je suis persuadé que le fond de son propos est relativement simple. En fait à la portée de n’importe qui. J’ai donc tenté cette présentation de son œuvre, en imaginant m’adresser à un lecteur n’ayant aucune connaissance sur ces sujets.

C’est une première ?

Oui, enfin, il y a bien sûr déjà eu beaucoup d’articles écrits sur lui, il faut dire qu’il a été publié dans de nombreux pays, traduit en anglais et en allemand, en portugais, en espagnol, même en japonais et en coréen !

Mais pas de livre…

Non. J’ai su il y a quelques mois qu’il y a un philosophe autrichien qui travaille sur un projet d’ensemble, comme le mien, mais bon, j’aurai été plus rapide…

Venons-en au fond. De quoi parle Juranville, quelles sont ses grandes idées, si on peut les résumer?

Sa grande idée, celle qu’il a formulée dès son deuxième livre (en 1984), c’est que ce que cherchent depuis toujours les philosophes, qui est au fond la relation éthique à l’autre, eh bien le modèle de cette relation se trouve dans ce que Freud a découvert et mis au point, c’est-à-dire dans la relation entre le psychanalyste et son patient. De là, pour lui, beaucoup d’enseignements pour la philosophie.

Par exemple ?

Juranville fait le parallèle entre l’histoire individuelle du patient, qu’il reconstitue patiemment lors de la cure, pour trouver enfin la paix avec lui-même, et l’histoire universelle, l’histoire avec un grand « H », que l'humanité au travers de la philosophie reconstitue patiemment depuis des siècles, pour trouver enfin la paix avec elle-même.

Vous pensez que votre livre est « tout public » ?

En tout cas c’est ce que je me suis efforcé de faire. Après, ça reste de la philosophie…

Comment s’est passée l’écriture ?

Oh, ça a été une rude épreuve ! J’étudiais ses livres, à mesure de leurs parutions, depuis 20 ans. J’ai d’abord rédigé des articles dans des revues spécialisées, et puis j’ai senti le besoin d’écrire un vrai livre sur lui. Je dis bien le besoin, et pas seulement le désir, car il y a certains efforts qui, pour être supportables, demandent qu'on les considère comme nécessaires...

 

La philosophie d’Alain Juranville , un hégélianisme de l’inconscient, publié aux éditions Les Contemporains favoris. 322 pages. Tarif : 22 €.